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Organisme ou artefact ?

Présentation et résumé par Mathilde

Organisme ou artefact est le titre d’un article paru dans la revue Ecologie et politique en 2011 et d’un livre publié en 2010 (avec la subtile différence évoquée plus bas). Benasayag y parle de biologie de synthèse mais pas que.

En tous cas dans l’article déjà, plus facile à avoir lu que le livre pour la date de cette discussion, il met l’accent sur la lutte avec ce sous-titre ; “Esthétique de la résistance”, une lutte qu’il souhaite belle et joyeuse.

Et pour lui c’est là où le bât blesse aujourd’hui, dans notre triste époque (sic): comment lutter contre un système qui objectivement veut notre bien ? C’est plus évident de lutter contre une dictature.

Mais de quel bien s’agit-il ?

Là c’est moi qui discute le texte: ce qui est bien peut-il se passer de quelqu’un qui l’énonce ? Il s’agit d’une prise de position qui peut être questionnée. 

Mais notre époque, en aspirant à la neutralité scientifique en toute chose par le règne de la technique, veut tuer toute discussion, ce qui fait la politique même. Cf Evgueny Morozov : le gouvernement 2.0 dans O’Reilly le trafiquant de mèmes.

Toujours est-il que c’est aujourd’hui le récit et le spectacle de l’individualisme et de l’hédonisme triomphant (Kardashian, de son iphone modèle “or” à ses toilettes en or véritable par exemple), plus que les luttes collectives, qui font vibrer les foules.

Mais ont-elles le choix ? Là, je discute le texte encore une fois (je ne l’ai choisi que comme base de discussion, et non pour en faire une analyse exhaustive et exclusive. Après tout, il est lui-même discussion, interview).

Car il y a la violence de l’économie comme forme actuelle d’exercice du pouvoir.

Voyons ce que dit le mythe de l’individu de Benasayag :

C’est que la peur est inhérente au règne de l’individualisme, car ce qui peut arriver de pire dans un tel régime de valeurs, c’est que l’individu disparaisse !

Dans ce monde sans dieu, la crainte de la mort revient par la petite porte mais avec une force extraordinaire.

La peur est aussi ce qui gouverne les comportements dans le néolibéralisme, c’est ce que dit Bibard, un prof de l’ESSEC.

Je crois que Miguel Benasayag et son intervieweuse Estelle Deléage de la Revue Ecologie et politique essayent de répondre à la question “Que faire” qu’aborde aussi Machines arrière toutes de PMO. Eux c’est produire des textes, diffuser des idées. Et d’abord penser juste.

Ce qui débouche sur une vraie singularité, ce sont les actes (y compris l’acte de construire et diffuser une pensée) qui visent à changer les situations. C’est-à-dire pas essayer de changer de place, ni même de classe, mais bouleverser le cadre de référence: voilà la seule révolte authentique dans le sens où elle vise à changer les rapports de force pas seulement pour soi, sa “caste” mais l’ensemble des êtres sensibles : c’est ce qui rend la lutte écologique recevable aujourd’hui plus que les autres finalement : ce rapport à la fois personnel et altruiste au monde.

Est-ce que la lutte collective est sexy dans une époque triste car individualiste telle que la nôtre ?

Mais il n’y a de lutte qu’individuelle, voir Camus : ne pas se résoudre à l’absurde du monde tout en le regardant toujours en face.

Ce n’est peut-être pas une époque triste mais une époque désabusée. La révolution n’est peut-être qu’une illusion : celle d’avoir gagné, ou de pouvoir gagner un jour. La lutte est incessante ou n’est pas.

Et il n’y a pas de victoire possible puisque nous mourrons tous à la fin. Il faut être désespéré sans cesser d’aimer vivre en fait.

Dans cet article donc, Il y a référence claire à l’ouvrage paru en 2011 Organismes et artefacts. qui parle des biotechnologies, et que j’ai un peu consulté. Il dénonce le réductionnisme et l’unidimensionalisation par les sciences. Il dit que la capacité à être affectée est mise de côté par les technosciences.

Pour préparer cette présentation, j’ai aussi consulté parmi d’autres : Le pari amoureux de MB avec Dardo Scavino aux ed La Découverte, 1995, et Le mythe de l’individu, la découverte 1998,

J’ai donc fait une recherche sur internet sur cet ouvrage et je suis tombée sur une autre interview de MB :

J’ai l’impression que c’est un auteur qui n’a pas que des lumières : voir sa conception du post-humain comme une sorte de potlatch (http://1libertaire.free.fr/MBenasayag29.html), sa vision de la décroissance comme triste (dans notre article), et à qui il arrive de dire des âneries, par exemple sur la génétique (d’après une conversation que j’ai eue avec Hervé L.)

D’ailleurs M.B est hésitant : il reconnaît qu’il y un problème avec ce constructivisme de gauche qui dit que tout est possible, qu’il faut épuiser les possibles (ce qui est aussi un peu ce que dit Camus ! mais sans oublier l’aspect dérisoire car absurde de cette frénésie. Et lui en parle au plan individuel et non collectif bien sûr), car tout ce qui est possible ne doit pas être fait. En même temps il n’est pas question de faire intervenir une quelconque morale.

Vouloir à tout prix savoir que faire, donner et se donner des réponses est un véritable piège, mais aussi cesser de chercher.

C’est comme en amour : reconnaître l’irréductibilité de l’autre à du connaissable par nous ,tout en cherchant toujours à le comprendre (cf benasayag le pari amoureux, 3ème partie) : là encore je me tourne vers Hervé et une conversation que nous eue le mois dernier à ce sujet.

Je trouve que ce qu’il dit sur le post-humain c’est trop clair, ça ressemble trop à un programme, il y a trop de certitudes dedans. Par exemple: il faut laisser arriver les émergences : mais a-t-on besoin de le dire ? Est-ce en notre pouvoir de ne pas le faire ? Je trouve ça un peu ridicule car il y a un semblant de maîtrise dans cette phrase alors qu’il faudrait reconnaître qu’on est en train de perdre la bataille de la maîtrise rationnelle de ce qui arrive, ou au moins sa forte probabilité, non ?

il y a aussi un truc bizarre, qui nous perd un peu :

titre et sous-titre de article

ORGANISME OU ARTEFACT ?
Pour une esthétique de la résistance

titre et sous-titre du livre : inversion de l’interrogation, changement de ou par et, et passage au pluriel

ORGANISMES ET ARTEFACTS
vers la virtualisation du vivant ?,

comme si une question voyait sa réponse, ou bien une réponse, sa mise en question

Pour finir momentanément, résister par la joie, par la beauté, bien sûr, mais pourvu qu’elles ne soient pas superficielles, car il ne faut pas sous-estimer les souffrances de la lucidité, de l’effort de connaître (qui procurent de la force, de l’appétence) : ne pas peindre la lutte en rose, comme certains peignent le capitalisme en vert