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Débat du 17 mai 2019

La novlangue néolibérale par Roseline

La novlangue néolibérale : la rhétorique du fétichisme capitaliste un livre d'Alain Bihr 

L'analyse porte sur l'offensive mondiale du discours capitaliste contre le travail et les luttes ouvrières ayant pour objectif de masquer la politique de classe.

En faisant référence à la "novlangue" inventée par Orwell, l'auteur met en lumière 2 modes opératoires le plus souvent mêlés.

Il nomme en premier : " l'inversion de sens"

On trouve  dans 1984  des slogans explicites comme "la guerre c'est la paix", "l'ignorance c'est la force", ou encore "la liberté est l'esclavage"... pour Alain Bihr. Orwell s'étant contenté de mettre en scène ces jeux de langue, il s'est attaché  à repérer et développer l'analyse de ce procédé à travers plusieurs concepts  choisis tels que:  l'égalité, le marché, la propriété, la réforme...

Concernant la seconde manière d'opérer, il parle de "l'oblitération de sens"

Les exemples choisis seront les notions de :

D'autres concepts sont ainsi passés au crible, sans omettre le bannissement  de certains mots comme : "l'exploitation", "le prolétariat", "la bourgeoisie", "les classes sociales"...

Ce livre est avant tout polémique. Alain Bihr vient dénoncer un discours  édulcoré et ses manipulations rhétoriques visant à l'apologie de la soumission des humains aux choses.

La novlangue du capitalisme entretient un quiproquo religieux, fétichisant° l'objet de production, tout en réifiant le vivant. L'effacement et l'inversion du sens courant des mots contribuent à l'affaiblissement de la pensée critique

Et à la fin de l'ouvrage, pour le plaisir... se trouve un petit dictionnaire des idées reçues du néo libéralisme.

 

Le mot fétichisme a été évoqué au cours de la discusion, Jean-Luc fournissant ensuite quelques éléments.

Définition du fétichisme : pour l'anthropologue et le sociologue, le fétiche est un report de l'affectivité sur un objet unique ou composé, symbolique, en lui attribuant une efficacité supérieure à la sienne sur la réalité.

il se distingue de l'idolatrie, où l'objet n'est qu'une représentation d'un "être" aimé.

Pour Tibon-cornillot et les hégéliens : les marchandises semblent douées d'une valeur intrinsèque et l'argent d'une vie propre : "la valeur se présente" ici comme une substance automatique, douée d'une vie propre qui, tout en échangeant ses formes, sans cesse change aussi de grandeur et spontanéement en tant que valeur-mère, produit une pousse nouvelle, une plus-value et finalement s'accroît par sa propre vertu. En un mot, la valeur semble avoir acquis la propriété occulte d'enfanter la valeur parce qu'elle est valeur, de faire des petits, ou du moins de pondre des oeufs d'or." K Marx, le Capital

Ce qu'on oublie c'est la contradiction entre la vision philosophie batie autour de la LIMITE et la DÉMESURE propre à l'économie quand elle sort de la sphère domestique et s'autonomise.

Ainsi le fétichisme c'est aussi de croire qu'il n'y a plus de limites à quoi que ce soit, à l'instar de l'activité économique fondée sur la croissance infinie....

Autrement dit le fétichisme, c'est l'oubli d'une conscience historique : voir La fin de la politique, R. Kurz, http://www.palim-psao.fr/2016/04/la-fin-de-la-politique-par-robert-kurz.html

Sur le fétichisme ou l'absence de conscience de soi ou qu'on est une conscience dans l'histoire :

 

La fin de la politique, R. Kurz, http://www.palim-psao.fr/2016/04/la-fin-de-la-politique-par-robert-kurz.html

Chapitre V par Roseline 

L’Intelligence Artificielle ou l’enjeu du siècle un livre d’Eric Sadin

Dans ce chapitre avant conclusion, l'auteur insiste à  nouveau sur l'hégémonie numérique, dont les signaux d’acceptation sont particulièrement flagrants à travers la croyance obstinée en une possible régulation des flux de données.

Tous s'y mettent : scientifiques, ingénieurs, économistes, sociologues, dirigeants de la silicone valley...  Tout ce qui se raconte au niveau du contrôle des données  est de la poudre aux yeux pour ne voir ni laisser voir qu'ils ont déjà abandonné leur esprit de jugement en multipliant les commissions d'éthique sur le sujet. Une façon de se dédouaner de leur irresponsabilité.

L'auteur semble se mettre en ordre de bataille, cherchant à restituer la lutte au niveau d'une liste de valeurs (12) à défendre mais surtout à débattre, mettant en jeu "des conflits de rationalités". Il veut privilégier l'exercice d'un esprit techno-critique, sans se focaliser sur le bon ou mauvais usage des objets...

L'énumération des valeurs en question se présente curieusement sous leur aspect négatif. Il s'agit par exemple de combattre  "l'éradication du désordre", de "la furie innovatrice", de la toute puissance décisionnelle  de quelques uns, de la disruption assassine du passé, ou encore du codage du vivant... autant que du formatage mensonger des discours, tout aussi racoleurs que confusionnants et visant à neutraliser toute prise de conscience.

Pour lutter contre ce système hégémonique qui s'octroie de dire toujours plus la vérité en toute chose, les batailles se doivent d'être multiples, simultanées et s'inscrivant dans le temps long ; non seulement  dans des manifestations spectaculaires , rêvant de révolution ... mais  aussi dans des actions de toute sorte qui expérimentent, riches des témoignages  de contre expertises...

Tout ceci exige le dépassement de l'inconciliable stérile, entre techno-phobie et techno philie.

Par la formule poétique du " chant des divergences", E.S. insiste sur l'absolue nécessité de se doter de lieux et de moyens pour débattre de tous les sujets. Il faut  démonter l'imaginaire qui se fabrique par le biais de la novlangue ,( "la langue des escrocs" dit Ingeborg Bachmann   à propos  de la langue des assassins nazis). Cette dernière est la plus puissante alliée et le moyen le plus assuré pour imposer le modèle unique techno-libéral .

A cela, on ne peut opposer  qu'un contre modèle, celui de la multiplicité.