Critique des mouvements de chercheurs
Intervenant Hervé Le Meur - Résumé
Critiquer la science ne veut pas dire être opposé à la science. Mais comme c’est une activité humaine, on a le droit d’en faire la critique et d’en débattre. Hervé va examiner l’Histoire et l’épistémologie de la science.
Histoire :
Différentes évolutions vont marquer les connaissances scientifiques :
- Archimède fut un savant, un fabricant d’armes, un physicien.
- Newton, 1/3 physicien, 1/3 alchimiste, un dernier tiers théologien.
Peu à peu, les connaissances éclectiques du début vont être remplacées par des connaissances spécialisées. Cette spécialisation n’est pas neutre sur l’organisation des connaissances.
Étymologie du mot preuve : la preuve se faisait par le témoignage (probs en latin). Mais seules les grandes références pouvaient témoigner (St Augustin, Paul, etc). À l’époque moderne (17ème siècle) cette preuve est remplacée par le calcul, la démonstration à l’aide d’hypothèses premières (axiomes) puis de règles de calcul logique.
A l’époque moderne apparaît l’opposition entre subjectivité et objectivité. Les deux étant indissociables. Mais il s’agira en fait d’une prise de pouvoir du discours objectif sur le discours subjectif. Voir Itinéraire d’un égarement- du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine d'Olivier Rey. Un scientifique ne dit jamais « je », car son discours deviendrait subjectif. On comprend donc que la science n’est pas qu’un discours, c’est aussi un méta-discours, un discours sur le discours comme vérité, objectivité.
En mathématique on commence par les grands axiomes et on finit par les propriétés. Mais la réalité de la recherche c’est l’exact opposé : je prends une pomme je la lâche, elle tombe. Puis, dans une démarche inductive, j’essaie de généraliser, de tendre vers un absolu objectif (qui ne dépende pas de moi). On essaye de trouver une réalité cachée derrière. Le monde est écrit dans un langage mathématique (Galilée) et c’est à nous de le découvrir pour s’en rendre comme maîtres et possesseurs (Descartes).
La notion d’individu a commencé à apparaître vers la Renaissance, mais pour autant ce n’était pas chaque individu qui pouvait « témoigner » et dire son sentiment/vérité (cf. relativisme et vérité alternative). Il n’y a pas eu seulement un changement dans la science, mais dans la société.
Lutter contre la puissance de l’Église et de la religion était aussi un autre but, n’était-ce pas pour mettre en œuvre une autre puissance ?
L’épistémologie
Logos : discours (ou science, mais la science n’est pas qu’un discours, c’est aussi un mode de preuves, contradictoire) et epistémé ou savoir.
A la fin du XIXème siècle on assiste à une crise des fondements de la science.
Le mathématicien David Hilbert était convaincu que tout ce qui est vrai est prouvable.
Kurt Gödel a essayé de le prouver et a trouvé que c’était faux en fait. Le Théorème de Gödel affirme que, dans toutes arithmétiques (et mathématiques plus complexes, encore plus), il existe un énoncé vrai mais non démontrable, et dont le contraire n’est pas non plus démontrable. Hilbert pensait qu’il y avait le V et le F et Gödel prouve qu’il y a le V, le F et le non décidable. Prouver que ce n’était pas possible fut un tremblement de terre. V, F et indécidable.
Karl Popper : un énoncé scientifique est réfutable, c’est pour cela qu’il est scientifique. Mais il existe plein de domaines (théorie des cordes par exemple) où l’on ne peut pas faire des expériences permettant de trancher entre une théorie et une autre. Est-ce encore de la science ? On ne devrait pas réduire le vrai à ce qui n’est pas prouvé comme faux. C’est réducteur.
Paul Feyerabend : critique de l’objectivité.
- Il n’y a pas d’autonomie des faits. La théorie n’exprime pas seulement les faits, elle les organise, car on les choisit.
- Critique de l’empirisme. Un ensemble d’observations est compatible avec des théories contradictoires. Mais les observations ne peuvent suffire à prouver une théorie. Elles permettent de la vérifier, ce qui est déjà bien parce que cela ne l’infirme pas. Elle n’est pas fausse, mais est-elle vraie ? Une théorie c’est un cadre général, si je vérifie un cas, c’est un cas particulier et pas le cas général. Ex la physique relativiste a montré les limites de la physique newtonienne, mais pas qu’elle était fausse. Critique du rationalisme pour lui La Science est une connaissance sans fondement, « la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses. » Mais il n’est pas antiscience, il veut juste discuter, critiquer. Il continue « Ce à quoi j’objecte c’est à l’interprétation et à la défense rationaliste de la science ». Pour lui, la science est langage, art et histoire. Il objecte à sa mise en perspective et à son utilisation plutôt qu’à la Science. Il est antiautoritaire et anti dogmatique et se qualifie d’ «épistémologue anarchiste ». Il plaide pour une séparation de la science et de l’État, alors qu’aujourd’hui on ne peut plus être chercheur (pas pareil que scientifique!) sans avoir l’onction de l’État. Pour Feyerabend, une bonne part du prestige de la science vient de son lien avec l’État. Il objecte donc aussi à l’État.
St Simon (positivisme) : catéchisme des industriels sur les services rendus par les uns et les autres (scientifiques et industriels).
On peut recommander : Dieu et l’Etat sur la science notamment, de Bakounine : l’essentiel est un vrai débat…il faut discuter et écouter avant tout.