Une histoire populaire des sciences
Intervenant Arthur Guerber « La Fabrique du Progrès » - Résumé
Qu’est-ce qu’une histoire « populaire » ?
Une histoire venue d’en bas, centrée sur l’action collective des gens ordinaires, elle s’oppose à une histoire venue d’en haut, résumée à une histoire considérée comme accumulation de connaissances de grands hommes qui nous auraient livré leurs vérités, liée à une déformation des sources historiques produites de tout temps par et pour la classe dominante et ses administrateurs.
Référence à H. Zin
Vision abandonnée par les historiens de sciences, mais encore en vigueur chez les scientifiques notamment pour 4 raisons :
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L’histoire des sciences a plutôt été écrite par des scientifiques qui ont développé une vision romantique et magnifiée de leur pratique.
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Par paresse intellectuelle, car réduire l’histoire à celle d’individus permet d’avoir une vision simplifiée de l’histoire.
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Le scientifique n’ayant pas pour but la vérité scientifique mais l’efficacité de son contenu scientifique, néglige les impacts de la recherche.
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L’Individualisé : le régime scientifique permet de légitimer la propriété intellectuelle.
Qu’est-ce que la science ?
Discours classique sur la science influencé par l’épistémologie sur ce que doit être une bonne science (années 50-60), mais ensuite discours descriptif sur la recherche scientifique telle qu’elle se fait dans les années 70-80. La question était de repérer comment la légitimité des propositions aboutissaient à un compromis scientifique. Etudes sociales sur les sc ont chercher à décrire comment une pratique sc se déploie à travers le temps et dans l’espace, dans des réseaux sociaux-techniques (Bruno Latour, Michel Callot)
Aujourd’hui les analyses historiques évoquent un régime de production et d’appropriation du savoir, il ne s’agit pas d’un objet stable dans le temps, mais inscrit dans des relations. L’activité scientifique n’est pas produite dans une Tour d’ivoire, mais modèle les activités humaines qui à leur tour influent sur l’activité scientifique. Le milieu ne corrompt pas l’activité scientifique, mais au contraire lui donne corps.
La production des faits scientifiques mobilise à la fois le contenant et le contexte. Ex : la théorie de la gravitation pourquoi est-elle apparue au Royaume Uni au 17ème siècle ? Il faut se replacer dans le contexte du développement maritime impérialiste pour laquelle la mesure de la longitude en mer était indispensable pour prédire la localisation d’une flotte. Le Parlement anglais a mis en place une bourse d’étude pour étudier la loi du mouvement de la lune et la possibilité de mesurer la distance entre celle-ci et une étoile fixe permettant de déterminer la longitude. C’est Newton qui a récupéré cette bourse. Cette réalité existe encore de nos jours.
Histoire populaire des sciences : elle s’insère dans cette complexité.
A l’origine le savoir est le fruit de découvertes populaires, il existe une dimension collective de la production du savoir. La motivation première était une nécessité opérationnelle. Le savoir moderne est le fruit de millions de savoirs anonymes, et grâce à l’imprimerie diffusion et reprise par des gentilhommes comme Descartes. Historiquement les techniques précédaient la théorisation scientifique. Cependant après la seconde guerre mondiale émerge une réelle opérabilité de la science fondamentale, une nouvelle relation entre la recherche fondamentale et les innovations techniques : Projet Manhattan, la Big Science contemporaine.
Les enjeux de pouvoir : le passage de l’empirisme populaire à l’empirisme scientifique est insensible. Il s’est produit suite à un changement de régime de production du savoir lié à l’apparition de l’Académie des sciences, à l’accélération de la communication scientifique, une standardisation des sciences au sein des circuits politiques et commerciaux des impérialismes européens.
La méthode scientifique en tant que telle n’existe pas. L’activité scientifique n’est pas codifiable de façon universelle et repose largement sur système axiomatique informelle. Toujours on s’adapte…
Comment expliquer la reproductibilité des sciences ?
C’est le résultat de trois faits :
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Uniformisation culturelle dans le milieu scientifique via la formation commune. Crédit accordé à l’expérimentateur.
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Procédures de normalisation administrative : métrologie (mètre, kilo….). Permet une équivalence entre pays, le cadre administratif. L’académisation des sciences (17è.siècle, 1660 à Londres et 1666 à Paris). Transaction entre savoir et pouvoir. Rôle pour définir ce qui est scientifique ou non. Brevets, appropriation des savoirs, droit d’association, etc seront au coeur de la Révolution française en conflit avec l’Académie.
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Les techniques de reproduction. Les faits sont les produits de machines, ils sont triés, épurés et leur reproduction est fonction de calibrage, etc…la comparabilité des résultats n’est pas une donnée mais une situation à créer. Négociation, circulation des choses des hommes d’un laboratoire à un autre. Après étalonnage on peut oublier la contingence des négociations autour de leur calibration, c’est ce qu’on appelle une « boîte noire » (on n’interroge plus les contingences internes).
« Les savoirs ne circulent pas parce qu’ils sont vrais, mais deviennent vrais parce qu’ils circulent » J P Gaudillière (historien)
Conclusion :
Ces études historiques des sciences ont permis de sortir des lieux communs des scientifiques, de dégager les enjeux de pouvoirs qui se cachent derrière ces enjeux scientifiques. On comprend mieux les relations entre les différentes sphères des activités humaines, comme la politique et les sciences.
Il faut éviter deux écueils :
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Affirmer naïvement la nécessité d'un retour à une pureté d’origine
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Réduire l’activité scientifique à un simple moyen politique, comme outil de domination.