TECHNOlogos
Rencontres 2023 : "Science en crise(S) ?"

Peut-on se réapproprier la science ?

Intervenant Bertrand Louart - Résumé

Bertrand Louart pense nécessaire de se réapproprier nombre de connaissances scientifiques et médicales, mais cette réappropriation ne peut être émancipatrice que dans le cadre d’une critique radicale de la société capitaliste et industrielle. Dans le cadre actuel il lui semble impossible de se réapproprier cette institution scientifique car elle est devenue technoscience, une forme de la connaissance orientée vers les applications industrielles, militaires et policières. Autrement dit vers l’accroissement de la puissance de domination du capitalisme sur la nature et les êtres humains.

A contrario d’une institution comme « Sciences citoyennes » qui ne vise pas à remettre en question la recherche actuelle. Elle ne cherche pas à s’opposer à des recherches nuisibles. Elle veut juste mettre en oeuvre une sorte d’oligarchie tirée au hasard dans le cadre de comités de citoyens afin de se prononcer sur des recherches en cours. D’autres groupes comme « Science for the people » après les critiques mettent en avant les bienfaits de la science oubliant un peu vite les victimes des guerres, la bombe atomique, le nucléaire civil et ses déchets, ses catastrophes, celles des pesticides, des produits chimiques avec l’explosion des cancers etc…

Une autre illusion à dissiper c’est la séparation entre sciences et techniques. Il existe à la fois une synergie et une dépendance entre les deux. « L’étude des phénomènes de la nature permet de construire des instruments qui confirment les théories élaborées à leur propos. En retour, ces instruments permettent d’affiner les observations, de les poursuivre dans d’autres domaines, etc. »

Mais il devient par contre nécessaire de distinguer les êtres vivants des machines. Si l’être vivant se plie aux mêmes lois physiques que les autres objets physiques ordinaire, « c’est pour en faire autre chose, pour les canaliser dans d’autres voies que si elles étaient laissées à elle-mêmes », bref les êtres vivants sont autonomes, car ils se donnent à eux-mêmes leurs propres règles de conduite, « sans déroger aux déterminisme des lois physiques. »

Les sciences et les techniques ne sont pas neutres mais reflettent les priorités socio-politiques qui prévalent dans la société, en l’occurence privilégier la puissance sur le rendement. Cette puissance se fait en mobilisant beaucoup d’énergie et de travail, au détriment de l’activité humaine, du travail des animaux et des ressources locales. Il faut sortir des laboratoires et étudier les phénomènes à l’état libre.

« Réorienter le savoir vers la subsistance implique d’abord de renoncer à l’illusion de maîtrise complète des phénomènes qu’est sensée conférer la puissance technologique, qui elle nous mène véritablement droit au chaos et à la catastrophe. »