LA RÉVOLUTION ET/OU LES BONNES QUESTIONS

Il y a très exactement cinquante ans, en 1968, soufflait en Europe de l’ouest et aux Etats-Unis un grand vent de contestation, essentiellement au sein de la jeunesse. De nombreux slogans fusaient, où il était essentiellement question de libération et de révolution. Ces termes ont totalement disparu du langage militant et semblent même complètement désuets. Pourquoi ? Et comment les choses se disent-elles aujourd’hui ?

En France, des citoyens se disent « indignés », des économistes s’affichent « atterrés », des partis politiques adoptent le label « insoumis »… A l’évidence, on évolue dans les stratégies de réaction, de défense et de protection bien plus que dans l’offensive (une association comme Attac a connu son heure de gloire mais ce temps n’est plus). Les choses se passent comme si, au fond, chacun reconnaissait que l’adversaire est le plus fort, que c’est lui qui mène le jeu.

De fait, le saccage écologique se poursuit, de même que les licenciements pour convenances boursières. La précarité devient la norme (à tel point que l’on peut se demander comment le mot « précariat » n’a pas dépassé celui de « salariat » dans le langage courant). Au plan de la politique internationale, la démocratie est ouvertement humiliée : les trois premières puissances mondiales, pour ne parler que d’elles, sont gouvernées par un pantin grotesque (aux Etats-Unis), un populiste corrompu, à la solde des mafias (en Russie) et un « président à vie » (en Chine). Le Tiers monde n’en peut plus de souffrir, au Printemps arabe a succédé l’hiver des dictatures ou du chaos, on se noie en masses en Méditerranée… Plus récemment, à la suite du scandale Weinstein, on a pu mesurer que le « mouvement de libération de la femme » était resté lettre morte.

Arrêtons ici l’inventaire.
Convenons que « l’adversaire » de ce que notre république a un jour appelé la liberté, l’égalité et la fraternité, l’emporte désormais haut la main sur l’ensemble de la planète.
Risquons une hypothèse : cet adversaire n’a pas été sous-estimé, il n’a jamais été correctement identifié.
Citons ces propos de Jacques Ellul, datant de 1981 : « Le capitalisme est une réalité déjà historiquement dépassée. Il peut bien durer un siècle encore, cela n'a pas d'intérêt historique. Ce qui est nouveau, significatif et déterminant, c'est la technique. »
Et ensemble, posons-nous enfin les bonnes questions.