Des petites révoltes de mai 68
à la grande révolution numérique

« Cours camarade, le vieux monde est derrière toi » disait un slogan de mai 68... Aujourd’hui, alors que l'on commémore "les événements" à n'en plus finir, il apparait que le vieux monde, c'est d'abord celui d’avant internet : il n'est plus possible d’entreprendre quoi que ce soit sans surfer sur le web.

Mais tandis qu’il y a cinquante ans le mot « révolution » revenait de façon récurrente chez "les intellectuels engagés", nul d’entre eux n’avait imaginé que le grand soir qu’ils appelaient de leurs voeux serait qualifié un jour de « numérique ».

L'ennemi public n°1, "l'ennemi du peuple", était le capitalisme. Or non seulement celui-ci se porte toujours bien, malgré ses crises sporadiques, mais il est littéralement dopé par les « géants du web », les fameux GAFA, dont nul n’avait anticipé l’éclosion.

Que s’est-il passé qui explique cette cécité ?

En 1999, dans "Le nouvel esprit du capitalisme", Luc Boltanski et Eve Chiapello estimaient que si, malgré les graves dommages écologiques et sociaux qu’il provoque, le capitalisme survit à toutes les critiques, c’est d’abord parce que ses agents moteurs sont parvenus à intégrer, « récupérer », les valeurs dites 'libertaires' véhiculées par les forces qui s’opposaient à lui.

Bien documenté, leur livre connut un franc succès. Mais presque vingt ans après sa publication, il nous semble extrêmement superficiel. D’une part, en effet, il postule que les valeurs contestataires de 68 étaient « révolutionnaires » mais n’indique pas en quoi. Il ne dit pas non plus pourquoi les insurgés de l’époque s’en prenaient au capitalisme occidental et encensaient en revanche "l’autre capitalisme", le capitalisme d’état, auquel ils donnaient le nom de communisme. Comme tant d'autres analyses à tonalité marxiste, celle-ci se focalise sur la question de savoir qui est propriétaire des moyens de production mais fait l’impasse sur l’évolution de ces moyens.

La technique : le refoulé des temps modernes

Ce qui n'est pas pris en compte, c'est le fait que l’automation érige désormais la technique en « créatrice de valeur »… en lieu et place du travail : elle continue d'être considérée comme un ensemble de moyens alors qu'elle constitue la finalité suprême, à laquelle nos économistes et nos politiciens donnent le doux nom d'innovation. Tout comme il y a un demi siècle, l’idéologie technicienne est refoulée par la conscience collective. Et c'est ainsi qu'on n'arrête pas le progrès.

Bien plus féconde nous semlble la lecture du livre de Fred TurnerAux sources de l'utopie numérique,



On comprend alors que le ferment de la "révolution numérique" soit ce que les technoprophètes transhumanistes appellent "l'impératif hédoniste".



     Lectures recommandées :

 Samedi 26 mai, 18h 
3C (Café Culturel Citoyen)
23, boulevard Carnot, Aix

Exposé-débat avec Joël Decarsin

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Présentation générale du cycle : RÉVOLUTION ET/OU BONNES QUESTIONS