La connaissance
Ce que l’on sait,
ce que l’on ne sait pas et dont on ne connait pas l’étendue,
ce que l’on aimerait savoir.
Ce que l’on sait mais, qui face à l’usure du temps, s’érode, s’oublie ou n’est plus vérité.
Ce que l’on découvre et révèle au détour du hasard,
ou ce que l’on découvre par la volonté, l’obstination, parfois par la contrainte, et puis que l’on modélise pour s’en servir comme un piton dans la roche, qui permettra d’aller plus haut, plus loin.
Mais quelle intention, quelle pulsion, met en mouvement cette énergie dépensée pour découvrir, modéliser notre monde, nos mondes, bridée par les limites d’un esprit, seul ou à plusieurs ? On peut y voir un mélange de rationnel, d’imaginaire, le fait de vouloir sortir du cadre et de l’espace, ou de repousser nos limites de plus en plus - à l’aide de machines qui pallient aujourd’hui notre « incapacité » à traiter, à manipuler des masses de données dans un temps très court. Une connaissance future mue par une envie d’être autre, différent des autres. Une course à la connaissance exacerbée par le fait de se mesurer à d’autres (être le premier ou le meilleur). Une connaissance souvent accaparée et prise à d’autres. Une démesure et la toute-puissance réunies.
Mais que faire de cette connaissance accumulée, celle qui soigne, celle qui tue, celle qui modélise les mouvements, les changements de toutes choses, celle dont certains tirent avantage, celle dont beaucoup en sont éloignés ? Celle qui sert à dominer.
La connaissance cumule des données, des modèles d’action ou de relations entre éléments, des concepts, des croyances,… Une connaissance qui réunit les univers du petit et du grand. Que ne voit-on encore le paysan, qui en binant était en connexion avec les populations de la terre nourricière, qui en se relevant les mains sur le bas du dos, s’étirant, regardait le cosmos. Vers où portent nos yeux, nos cœurs, notre raison ; vers où notre porte-monnaie, notre mercantilisme nous conduisent-ils ? Une connaissance qui porte tout autant le bien que le mal, qui se révèlent lors de ses applications, sa mise en oeuvre.
La science, la technique, ne semblent être qu’une partie de la connaissance. Face aux regards des simples, ou des grands esprits. Face aux regards des êtres naturels qui tout en restant sur place, échangent, sont capables de se perpétuer. Face aux regards des êtres naturels qui se déplacent seuls, en banc, en horde, sous l’autorité d’un guide, ou d’une détermination commune. Cette connaissance qui grâce à un peu de mouvement va générer d’autres mouvements ; une évolution entropique de l’information. Une information qui parfois se perd, qui parfois se stocke, et qui devient de plus en plus énergivore.
Mais cette science (au sens d’une « garantie » méthodologique), cette technique (au sens du savoir-faire) ne se seraient-elles pas aussi lancées dans une pure logique de création-destruction, rythmées par la main de l’homme, incapable de peser le coût des dégâts, aveuglé par la lumière de sa propre création, de ses perpétuels « big bang » attirant les pauvres ilotes que nous sommes (de cette société), comme des papillons sur un drap infranchissable leurrés par une lumière dans la nuit !
Alors quelle connaissance acquérir demain ! La connaissance au profit de certains ou au profit des communs et dans le respect du milieu dans lequel nous sommes et vivons ? Le chemin n’est pas simple…
Christian Lefebvre, août 2023