A propos du big data
Le capitalisme est une réalité déjà historiquement dépassée.
Il peut bien durer un siècle encore, cela n'a pas d'intérêt historique.
Ce qui est nouveau, significatif et déterminant, c'est la technique.
Jacques Ellul, A temps et à contretemps
(Entretiens avec Madeleine Garrigou-Lagrange)
Le Centurion, 1981, p. 55
Il importe d’établir une comparaison entre « le capital », tel que Marx définissait ce mot au XIXe siècle, et ce qu’on appelle communément le big data ; ou, d’un point de vue plus prosaïque, entre la banque (au sens traditionnel du terme) et la banque de données. Le premier point commun entre ces deux pôles, bien évidemment, c’est l’accumulation, la concentration à des fins utilitaires et commerciales.
Mais il importe également de pointer ce qui, radicalement, distingue le capitalisme traditionnel du système technicien, au sens qu’Ellul donne à cette expression. Et là, le rapport de l’individu aux coûts constitue probablement le premier angle d’approche. L’usage massif de Google, Amazon ou Facebook provoque un changement radical dans la mesure où, immédiatement séduit par la gratuité de l’accès aux données, l’utilisateur ne réalise pas que le premier de tous les « produits », désormais, c’est lui.
De fait, lentement mais sûrement, Siri-Apple, Google-now, M de Messenger et toutes ces applications au premier abord sympathiques (on dit aujourd’hui « conviviales ») modifient l’ensemble des comportements, procurant une extraordinaire sensation de confort mais aux conséquences que ne soupçonnent à aucun moment les premiers concernés. En confiant librement (croient-ils) tous leurs faits et gestes à des robots, ils contribuent en effet à générer ce que le philosophe Eric Sadin appelle une industrie de vie et à généraliser une conception de la vie étroitement (voire exclusivement) matérialiste, réduisant l’humain non plus au rang de simple consommateur, comme au temps du capitalisme de papa, mais de marchandise ou de matière première.
Le big data, vecteur central du technocapitalisme, tel est l’objet d’étude de ce groupe de réflexion. Le point de vue d'Ellul, selon lequel le capitalisme est "une réalité historiquement dépassée", y est étudié à la loupe. On s'attache donc en premier à répondre à la question ; "que serait le capitalisme aujourd'hui sans les GAFAM ("géants du web") ?" En toute bonne foi, c'est-à-dire confronté aux réalités et en dehors de tout présupposé idéologique.
L’ensemble des échanges débouchera sur un débat public, courant 2017.
Informations et inscriptions : big-data@technologos.fr