IDÉAUX ENFUMÉS

Changer le monde, l’améliorer, le « réformer » (on ne dit plus depuis longtemps  « faire la révolution »)… tel est le rêve affiché de « la politique ». Mais qu’en est-il de celle-ci ? Quelle image nous donne t-elle globalement ? Essentiellement celle d’un médiocre spectacle à répétition : des années durant, des « personnalités » s’exhibent sur les plateaux télé et y déversent des flots de platitudes aux accents de promesses, sur l’éternel refrain du changement.

« Changer »  ? Mais changer quoi au juste ? A cette question, les réponses les plus entendues sont, de la part de « nos élus » : augmenter le pouvoir d’achat ; et de la part des contestataires : réduire le fossé entre les riches et les pauvres. Quand bien même la question de la répartition des richesses répond à un problème crucial (car toute forme de misère est un scandale), l’argent, son partage et ses usages constituent aujourd’hui l’horizon d’attente suprême et partagé de l’ensemble de l’humanité.

En fût-il autrement jadis ?... nous rétorquera t-on. Assurément. Et c’est une caractéristique première de notre temps que d’entretenir l’amnésie à ce sujet. Ainsi par exemple sur notre continent, durant plusieurs siècles, la préoccupation majeure des humains, qu’ils aient été serfs ou seigneurs, portait sur le salut de l’âme après la mort. En le soulignant, nous n’insinuons pas que « c’était mieux avant » mais nous poursuivons quatre objectifs :

  1. affirmer qu’il est souhaitable et même urgent d’imaginer des « alternatives » (pour user d’un terme à la mode) au matérialisme ambiant de nos sociétés ;
  2. mettre en évidence le fait que ce souhait n’est pas à l’ordre du jour, y compris dans les cercles militants, et que ces alternatives sont si peu esquissées qu’en l’état des choses, « un autre monde est strictement impossible » ;
  3. démontrer que l’impossibilité de sortir du paradigme matérialiste résulte directement du fait que la quasi totalité de l’humanité se retrouve engluée dans une idéologie d’un type nouveau (par rapport aux idéologies du siècle passé, les « -ismes »), une idéologie de nature subliminale que nous appelons idéologie technicienne et qui se caractérise par le fait que nos moyens (techniques) façonnent directement nos conceptions du monde, quand leur renouvellement lui-même n’est pas érigé en objectif suprême ;
  4. affirmer que l’identification de l’idéologie technicienne  constitue - au moins sur le court et le moyen termes – la condition préalable à tout changement véritable. Faute de quoi, les plus grands idéaux du monde resteront enfumés par elle, volatiles à l’extrême, sans la moindre prise sur le réel : « virtuels », pour reprendre un vocable dont la plupart de nos contemporains s’enorgueillissent béatement.

Le présent cycle comprend trois volets :

 

  • Genèse d'une croyance (quatrième trimestre 2016)
  • L'illusion politique (premier trimestre 2017)
  • L'écologie dévastée (deuxième et troisième trimestres 2017)