L'expansion des robots dans nos métiers
Craindre la rivalité ou penser la complémentarité ?
Les appareils automatisés prolifèrent dans nos lieux de travail : pratiquement tous les secteurs d’activité sont touchés. Et selon une récente expertise, la robotisation menace plus de trois millions d'emplois en France à l'horizon 2025.
Or, depuis Alfred Sauvyet sa théorie du déversement (1980), la plupart des économistes ne s'en inquiètent pas : ils estiment que, moyennant un minimum de réactivité et d'anticipation, les créations d'emplois peuvent toujours compenser les pertes et que, de toutes manières, le remplacement des hommes par des machines est une bonne nouvelle en soi : si un travail est pénible, autant le confier à un robot et pouvoir ainsi se consacrer à de plus nobles tâches.
Mais l'époque supporte t-elle encore ce genre d'argument ? En quoi les faits démontrent-ils tout d'abord que les humains font aujourd'hui preuve de réactivité et d'anticipation pour conjurer le chômage de masse ? Et combien ces humains réalisent-ils que les "progrès" réalisés en matière d'intelligence artificielle (deep learning) sont tels que les machines n'effectuent plus seulement des tâches d'exécution mais aussi, sans cesse davantage, du travail qualifié ?
De plus en plus rapprochés, les "cycles d'innovation" analysés au siècle dernier par l'économiste Schumpeter prennent la forme d'un flux constant. Il devient de plus en plus ardu, donc stressant, de s'y adapter. Au point que quelques uns - au risque de passer pour des oiseaux de mauvais augure - estiment que les ingénieurs, jusqu'alors relativement préservés par la "crise économique", sont eux aussi condamnés à terme : la conception de nouvelles techniques sera de plus en plus souvent déléguée à des algorithmes.
Alors que, depuis plusieurs décennies, le mythe du robot prenant l'ascendant sur l'homme irrigue les récits de science-fiction, la majorité des économistes, sociologues, philosophes et politiciens ne veulent pas le prendre au sérieux. Qui plus est, dans le sillage du médiatique Jeremy Rifkin, certains trouvent même à se réjouir de "la fin du travail " et à espérer que grâce aux plates formes internet, nous entrerons dans l'ère de l'économie collaborative, chacun devenant son propre employeur, organisant son travail comme il l'entend et avec qui il l'entend. Un nouveau contrat social émergerait, axé sur la notion de partage, et c'en serait fini du capitalisme...
Cette vision est angélique : en annonçant la fin du patronat et du salariat, elle entretient l'illusion de la fin des processus de domination, elle occulte le fait que les entreprises high tech sont des propriétés privées, dont les chiffres d'affaires dépassent les PIB de nombreuses nations, et qu'à ce titre elles constituent le meilleur ferment du capitalisme. Mais comme tout angélisme, celui-ci risque d'avoir des effets dramatiques car, en manquant de lucidité quant au caractère ambivalent des technologies, les humains sont en voie de payer leurs illusions au prix le plus élevé.
- SÉMINAIRE
mardi 15 décembre 2015, 18h
3C 23, boulevard Carnot
AIX-EN-PROVENCE
sur inscription seulement
marseille-aix@technologos.fr
(places limitées)
- CONFÉRENCE-DÉBAT
- François BUGEON, informaticien
- Julien MATTERN, sociologue
jeudi 14 janvier 2016, 18h
Institut d'Études politiques
25, rue Gaston de Saporta
AIX-EN-PROVENCE
entrée libre