Le retraitement des déchets nucléaires reste illisible par le grand public (6 août 2018) – (1)
Raisons simplifiées pour une (nouvelle) démarche contre l’enfouissement éternel des déchets radioactifs
A
* On ne commence pas un chantier si dangereux qui doit être sûr cent mille années !
* On résout pas un problème en le cachant sous terre.
* On s’escrime depuis quelques années à décontaminer les sols toxiques,les plages et les mers ; on ne va pas maintenant se mettre à empoisonner le sous-sol.
* On ne peut se satisfaire intellectuellement avec une solution dite la moins pire, après avoir abandonné l’idée première que c’était la seule solution, puis la meilleure. Même moins pire, ce n’est toujours pas bon !
* On ne peut défendre qu’une science de la conscience : celle qui doute au bénéfice des progrès humains. Et non celle qui impose le silence.
* Aucune excuse concernant l’urgence du chantier n’est acceptable. Trop de questions restent en suspens. Les échéances avancées pour le début du chantier et ses conséquences sur des milliers d’années en lien avec le scellement du site dans les 140 ans sont incompatibles avec la raison. De toute façon, la surveillance et le refroidissement des stockages des déchets actuellement en fonction devra être maintenue sur des périodes allant de 50 à 800 ans.
* La situation actuelle sur les lieux de production et en sub-surface est meilleure ; elle permet une surveillance directe et d’éviter la multiplication des sites et des transports, la création de nouvelles infrastructures et réseaux souvent gigantesques, et donc autant de nouvelles atteintes à l’environnement.
* La Loi faisant référence au principe de précaution est parfaitement adaptée au cadre du projet d’enfouissement éternel des déchets radioactifs (« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »)
* Imposture dès la sémantique : L’éventuelle poursuite de ce projet devait inclure la réversibilité pour être validée. la Loi de 2006 limite la réversibilité à 100 ans (date du scellement définitif envisagé) !
Réversibilité n’est plus synonyme de « récupérabilité »...Le projet progressivement bouché par alvéoles puis par galeries sera scellé. L’ANDRA ne dissimule pas cette évolution du concept. Plus le temps passera, plus il sera difficile et coûteux de revenir en arrière en cas de « catastrophe ». Le triste exemple états-unien du WIPP l’a hélas déjà confirmé.
* Point de vue de gouvernance : le citoyen ne veut pas (plus) du mensonge, de la trahison, de la corruption, de la répression disproportionnée, de la pression, du mépris, de l’arrogance, de la manipulation sémantique, des erreurs répétées et des oublis volontaires notamment.
Chacun de ces points peut être en effet assorti d’exemples concrets déjà actés !
* Point de vue de philosophie & politique :
- il serait opportun de s’appuyer sur les enseignements de P. Ricoeur, apprécié du Président de la République...
Demande croissante d’éthique ainsi que sur la défense de «l'idée d'une politique de la juste mémoire». Éthique et mémoire.. ? « éthique » : visée d'une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes...« morale » : côté obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions caractérisées à la fois par une exigence d'universalité et par un effet de contrainte » - il serait opportun de rechercher le dialogue avec le mathématicien Cédric Villani.
Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, il a déjà évoqué ses doutes quant à une décision incluant des produits dangereux lors d’une période aussi considérable. - Point de vue de territoires :
L’argumentation par les décideurs et promoteurs du projet d’une revitalisation des Territoires, avec l’arrivée des filières nucléaires dans la Meuse et la Haute-Marne, voire dans le nouveau Grand-Est, est doublement faux.
Combien même les densités de populations et la diversité des activités seraient en régression, l’actuel transformation prévue crée avant tout une concentration extraordinaire d’industries, entreprises et activités nucléaires dangereuses et toxiques (stockage, ventilation, lignes électriques, remblais et terrils, amputation d’espaces forestiers, transports, pièces et réparations, nettoyage de matériels, bâtiments et installations de surveillance et contre de l’ordre…) augmentant ainsi et de fait le périmètre de répulsion agricole, touristique et humain. « Les métastases nucléaires de l’Est » deviennent l’expression la plus adéquate et tout un symbole répulsif de Perspective territoriale !
Les projets locaux d’alternatives locales ne doivent pas être liés à la poursuite ou non du projet d’enfouissement. On peut évidemment décider de venir s’installer pour vivre autrement, mais pas explicitement en raison de l’arrivée possible du nucléaire.
B
* Des moteurs pour la réflexion (à partir du sociologue Jan Spurk)
- Le cas de Bure est unique et exemplaire d’une société contemporaine, d’un monde incertain et sous tension, la fin d’une époque, d’un vieux monde qui ne meurt pas et auquel personne n’a encore trouvé de remède pour lui donner un nouvel élan…
D’un côté, les crises anxiogènes pour des acteurs impuissants, sans véritable prise sur le réel et de de l’autre, l’omniprésence de la gouvernance multiforme (États, entreprises, institutions…) et sans visage (Administration, finance, « marchés »…) - La notion d’urgence est à bannir aussi d’un point de vue éthique
« Plus vite cela se fera, mieux ce sera » = hypothèse, souhait et imaginaire.
« Plus vite ce serait, mieux ce serait » demeure toujours un conditionnel... - L’impuissance et l’indignation, puis leur dépassement indispensables :
D’un côté, se sont répandus les slogans « Vive la Crise » (Montand, Mitterand, Libération...) et NoAlternativ (Tatcher), de formidables machines qui conviennent au néolibéralisme (libertarien) De l’autre, des micro-projets alternatifs, du déclinisme, voire du fatalisme, auxquels ont tâché de répondre Stéphane Hessel, Occupy, Nuit Debout, les Printemps dans le monde, les Forums sociaux locaux et internationaux…Déséquilibre qui engendre frustration, colère et révolte... - Une rupture avec « l’inquiétante étrangeté » :(soulevée par S. Freud dans « das Umheiliche », essai de psychanalyse appliquée).
Invisible, insaisissable et mortel, le nucléaire contient les ingrédients d’un malaise tenace et d’une vraie peur. - Le culte du secret : les spécialistes du nucléaire savent bien que peu d’acteurs ont entière confiance dans leurs calculs, algorithmes, projections, modélisations, etc.
Sur le terrain, la réponse revient souvent « on nous ment ». « On nous cache tout » - La nécessaire distanciation (Norbert Elias) en privilégiant des lieux de médiation reconnus.
Qui peut dire par exemple dire qu’il a entendu parler de l’initiative de Mgr Stenger, évêque de Verdun, avec l’appui de « Pax Christi », pour réunir différents acteurs autour d’une table ronde, pour « confronter » les différents arguments...dans l’esprit certainement de...Paul Ricoeur (et conséquemment du Président de la République) ? - L’acceptabilité publique et sociale : on n’achète pas les gens pour une éventuelle nuisance future !
Avec l’ANDRA, l’information ressemble à de la communication. De plus, il est fait appel au sens de la responsabilité de tous les « acteurs », à leur rationalité, à leur sens du compromis, au dépassement du conservatisme. L’équation de l’enfouissement passe de « nécessaire et inévitable » à « légitime et raisonnable ». Culpabilisation et renversement des responsabilités ! - La juste place pour les « experts » en première ligne mais pas seuls.
Aucun ingénieur ne peut considérer comme raisonnable ce saut dans l’inconnu que représente l’enchaînement, sans aucun recul sérieux, d’une phase pilote et de la suite du projet. Souvent les experts ont lié une finalité non négociable avec le point de départ de leur projet. Aussi ont-ils développé les instruments nombreux et les plus efficaces pour atteindre cet objectif. Comme la finalité n’est plus à discuter (c’était le cas du débat public avorté précédent) on laisse les querelles sur les techniques et les options de détails et particulières comme os à ronger. - Les « CIGEO-PAPERS » prennent ici tout leur sens pour confirmer le bien-fondé d’une démarche de grande prudence !Les documents internes provenant des réunions officielles (« Revue par les pairs régulateurs » : ERI : Equipe de Revue Internationale) rassemblant les organismes concernés par le projet (ANDRA, IRSN, CEA, ASN) relatent les remarques, interrogations et stratégies opératoires pour que le projet puisse avoir son « autorisation de marché ».
Si le satisfecit d’ensemble est d’une ironie douteuse « travail globalement positif » pour chaque problème possible sont pointées des restrictions, des manques, des erreurs. Les remarques émises seraient de bon augure, dans la perspective de mesures de correction, d’études complémentaires, de recherches d’autres techniques et matériaux…
C’est pourtant le contraire que l’on apprend : on va adapter l’écriture de la démarche pour la rendre acceptable, on accepte les dérogations (colis non conformes) et on est prêt à envisager une diminution des coûts déjà trop exorbitants en imaginant des prolongations des alvéoles et des étages de niveaux de galeries supplémentaires. Notamment. - La Technique en question – et la mise en lumière de faits nouveaux :
« S’intéresser à la protection de l’environnement et à l’écologie sans mettre en question le progrès technique, la société technicienne, la passion de l’efficacité, c’est engager une opération non seulement inutile, mais fondamentalement nocive. Car elle n’aboutira finalement à rien, mais on aura eu l’impression d’avoir fait quelque chose, elle permettra de calmer faussement des inquiétudes légitimes en jetant un nouveau voile de propagande sur le réel menaçant ». (Jacques Ellul)
- Déni des effets nocifs des faibles doses
- Pas ou peu d’études sur l’accumulation de produits toxiques (études sur le long terme et très coûteuses)
- Face au "pari sur l'éternité" : le statut des déchets dans l’histoire, d’un chantier à côté d’un enjeu central - le legs de problèmes ingérables.
- La rencontre entre l’histoire et la géologie, deux échelles de temps incompatibles
- Accepter la disparition de l’avenir radieux, il n’y a pas de Paradis sur Terre, rien ne nous a été promis (Hannah Arendt).
- « Accepter » que le nucléaire soit aussi lié à catastrophe.
- Le terme "(néo)libéralisme" n'a d'autre but que de déculpabiliser le renard libre dans le poulailler libre. Et qu'en ce qui concerne la Technique, la formule "on n'arrête pas le progrès" n'a d'autre fonction que de faire passer pour de l'émancipation ce qui n'est en définitive qu'une gigantesque servitude.
C
* Que décider collectivement ? Jusqu’à présent, l’opposition à l’enfouissement éternel n’est ni massive ni majoritaire. Alors, décider ensemble de quoi et pour quelle application ?
- Une légitime demande de référendum ne peut s’envisager que comme la perspective d’une victoire de l’arrêt des travaux de l’enfouissement des déchets, pour acter l’impossibilité de poursuivre la démarche entamée par les différentes « autorités » politiques, financières, économiques, voire scientifiques…
- Mais en cas de vote négatif, il faudrait accepter la décision démocratique (malgré l’inexcusable revirement français suite au référendum de 2005 sur le Traité européen!)
- Il serait bon que les locaux ne restent plus l’épicentre de « l’opposition » à l’enfouissement éternel » des déchets.
La question est plus que régionale, française, européenne voire planétaire. Il faut donc délocaliser la problématique. Les opposants disent ni à Bure ni ailleurs, les pro-Bure savent que l’enjeu concerne la chaîne entière du nucléaire, français et international (investissements et ressources dans le monde entier, technologie à vendre en série…) Le très difficile et contestable assentiment dans les deux seuls départements d’implantation n’a plus aucun sens ! Et donc si les citoyens doivent être légitimement et légalement consultés, cela doit se faire à un échelon bien plus vaste. - Il convient de ne pas « classer » l’enfouissement des déchets nucléaires dans la liste des GPII (Grands Projets Inutiles & Imposés).
La question des déchets est un problème reconnu par tous comme réel, prégnant et incontournable. Il est utile et indispensable de s’en saisir. Un aéroport, un contournement d’autoroute etc. peuvent être contestés et reconsidérés, amendés et différés ; ils n’engagent pas une irréversibilité sur un laps de temps aussi considérable. Une remise à plat peut toujours faire émerger des orientations et hypothèses différentes de celles du choix initial. - L’interpellation aux consciences individuelles, de quartiers, de lieux de travail, de groupes associatifs conjointes et au niveau des » responsables » politiques reste à affiner.
Un(e) élu(e) et un décideur(re) qui prend une telle décision pour tant d’avenir doit déclarer l’assumer dans le présent individuellement (sans se retrancher derrière une décision de groupe par exemple) - Il convient de distinguer la légitimité des actions contre l’enfouissement programmé si rapidement, et la légalité…
...par ailleurs fort mise à mal par les différents pouvoirs (gouvernants, police, justice, milices…) Aussi convient-il de trouver des outils de non-collaboration avec les décideurs (boycott de consommation, appel à ne pas voter pour tel candidat, retrait de comptes bancaires ou participation à des financements alternatifs…renvoi de documents administratifs, bulletins de votes alternatifs massifs, etc.) - Le choix des actions violentes et illégales est de la seule responsabilité de leurs auteurs.
Elle peut se comprendre lorsqu’elle s’en prend à des symboles, voire à des « biens » ; jamais aux personnes) Dans certains cas (présence et actions de personnes jeunes, âgées, en famille, revendiquant la non-violence) elles peuvent être franchement contre-productives.
La présente démarche n’est hélas actuellement accompagnée...
Ni d’une stratégie de surveillance stabilisée des déchets, de leur diminution et de leur traitement ; sous-estimée financièrement et ne faisant pas objet d’une priorité nouvelle...
Ni non plus un engagement à consommer moins et différemment (économies, délocalisation et démultiplication des exploitations énergétiques, recherche…) au moment-même où se multiplient les objets « connectés »,les véhicules électriques, les services numériques !
C’est dire le travail qui reste à accomplir pour l’équilibre et la justesse des décisions.
L’objectif des présentes suggestions est d’envisager une voie différente et ouverte à tout un chacun, « spécialiste » ou non, pour reconsidérer un projet totalement nouveau et inédit de par son ampleur et sa durée.
Toutes les raisons scientifiques, techniques, économiques, financières, politiques travaillées et émises jusqu’à présent restent évidemment d’actualité.
cicille_lorraine@orange.fr le 09 août 2018
Eléments illustrés sur : https://burebureratatam.jimdofree.com/
Nota : L'instruction de la demande d'autorisation de construction exigeant environ trois ans, "cela repousse le début de la construction à 2022", ajoute-t-il, pour un lancement de la phase pilote autour de 2025.
"Il faut continuer à avancer avec constance mais on n'est pas à six mois près car nous avons des possibilités pour entreposer les déchets en surface", relativise le dirigeant alors que le projet est régulièrement contesté devant les tribunaux et via l'occupation permanente d'un bois appartenant au site de l'Andra à Bure.18.07.2017
Notes
(1) - Dans un rapport sur le cycle du combustible remis à Nicolas Hulot le 27 juillet, le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire pointe les ambiguïtés de la rhétorique du recyclage des matières radioactives.Le Haut comité considère que la décision du Gouvernement sur ce sujet devra être explicitée au grand public en présentant les grandes orientations envisagées de la filière nucléaire et en particulier du cycle du combustible.