Qu’est-ce que le « sacré transféré à la technique » ?
Une image ne prouve rien : on peut lui faire dire tout et son contraire. Mais elles peuvent servir à illustrer une démonstration, pour peu qu’elles soient accompagnées d’un commentaire approprié.
C’est ce que nous tentons de faire ici.
L’image de la pomme croquée est un symbole religieux. Le passage de la Bible où Eve mord le fruit est connu pour illustrer la tentation du Mal. |
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Le technicisme ne connait aucune frontière et s’impose dans tous les régimes. |
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Pour maintenir leur audience, les religions traditionnelles s’accommodent du culte du progrès technique et même y participent. |
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Alors que les Écritures recommandent de « ne pas se conformer au siècle » et de détruire les idoles, le chef de l’État du Vatican, comme tant d’autres, pratique l’imagerie narcissique et la vénération des high tech : « Internet est un don de Dieu » proclame t-il un jour. |
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Elles établissent avec lui une sorte de concordat : elles conservent leur influence grâce à lui et, réciproquement, elles usent de leur autorité pour valider la sienne. Ainsi, tandis que le christianisme se résume à l’image qu’en donne le cinéma à sensation, l’islam fondamentaliste ne peut se développer sans internet. |
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La politique, quant à elle, reprend les clichés des grands récits religieux. Noter ici la position christique (les bras en croix, les yeux tournés vers le ciel) d’un homme politique adulé par une foule dévote : « mon dieu, fasse qu’ils ne m’abandonnent pas ». |
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Bien que la République française ait proclamé la séparation des Églises et de l’État en 1905, certains politiciens n’hésitent pas à faire du lobbying auprès des milieux confessionnels. Ainsi par exemple ici ces deux candidats à l’élection présidentielle. |
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Le technicisme joue de sales tours au personnel politique quand celui-ci ne le prend pas en compte. |
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D’autres, au contraire, savent se faire élire en parlant la langue « populaire » des réseaux sociaux : en véhiculant des informations qui, pour autant qu’elles peuvent paraître incroyables à un homme sensé, leur permettent d'être crus, eux, du fait de la charge émotionnelle des images et des propos qu’ils charrient. |
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Au sein du personnel politique, rares sont ceux qui font preuve de discernement et nombreux en revanche ceux qui témoignent d’une candeur confondante à l’égard du phénomène technicien. |
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Ce que, comme tant d’autres, le personnel politique s’imagine quand il croit au « progrès », c’est que la technique est neutre, « ni bonne ni mauvaise », et que « tout dépend de l’usage qu’on en fait ». |
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Croire au progrès, c’est imaginer qu’il n’a qu’un coût économique et ignorer qu’il a aussi un coût social, écologique et culturel. |
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« S’adapter » au nom de qui et de quoi ? Que signifie ce verbiage ? |
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De même, pourquoi parle t-on d’addiction ou de dépendance au portable mais jamais de la sacralité de cet objet ? |
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On ne cesse de nous répéter que nous vivons « l’ère de la révolution numérique ». Mais qu’est ce donc que cette révolution que l’on ne fait pas et à laquelle il faut à tout prix et sans cesse « s’adapter » ? Pourquoi dit-on qu’il faut vivre avec son temps et non pas, par exemple, qu’il faut bâtir son histoire ? |
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Comment se fait-il que ceux qui veulent « changer le monde » s’en prennent encore au capitalisme alors que les chiffres d’affaire des GAFAM excèdent de beaucoup le PNB de bon nombre de nations et qu’à cela ils ne trouvent rien à y redire ? |
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Que faudrait-il alors pour que les choses évoluent dans le bon sens ? |
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Démontrer que le capitalisme ne serait rien ou bien peu de choses s’il n’était pas dopé par le technicisme. |
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Ne pas en appeler à la citoyenneté et à l’éthique comme on en appelait autrefois à la morale. Cesser également d’objectiver la technique, par exemple en imaginant que les low tech pourraient constituer la réponse à la toute puissance des high tech ou en réduisant la cause écologiste à une simple affaire de transition. |
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L’introspection ne suffit pas, il faut encore percevoir les limites de la raison, interroger non seulement le sens de cet amour passionnel des écrans mais aussi le mythe de la modernité ainsi que cette croyance tenace que l’homme est « la mesure de toutes choses » : l’humanisme. |