PRODUITS TOXIQUES ET GOÛT DU RISQUE 

Dans son livre La société du risque, Ulrich Beck affirme que notre monde est régi par une myriade de "manufactures à risques". Alors qu'un nombre croissant d'individus partagent une vision du monde étroitement matérialiste et axée sur la consommation, le sociologue explique que le risque constitue le prix à payer de la satisfaction du désir de confort et que plus ce désir esinsatiable, plus nombreux et plus graves sont les risques encourus.

Mettant en corrélation la recherche du confort maximal et les transformations du travail salarié (en particulier l'irruption du "précariat"), il démontre que ces dernières résultent elles-mêmes du développement exponentiel des "nouvelles technologies". Et il insiste sur le fait que les risques concernant les grands enjeux planétaires, tels que la destruction de la couche d'ozone, sont directement liés à l'addiction des humains aux objets techniques : avions, automobiles, appareils électoménagers, ordinateurs, gadgets électroniques (plus tard : le téléphone portable)...

(Principe de précaution) ayant valeur de justifications, qui permettent à la fois aux experts de se donner bonne conscience et à une majorité d'individus de se maintenir dans un état d'irresponsabilité permanente. 

Nous reprenons ces idées et soutenons DEUX THÈSES.

1°) L'incapacité à assumer les risques que l'on provoque soi-même est l'expression de la croyance béate que tout problème technique (aussi énorme soit-il, tels l'explosion d'une centrale nucléaire, la dégradation du climat, la multiplication des accidents cardio-vasculaires ou l'érosion de la bio-diversité)peut trouver une solution technique.

Cette croyance provient elle-même du fait que les moyens et dispositifs techniques étant aujourd'hui massivement sacralisés, on peut d'autant moins assumer (et a fortiori maîtriser) leurs effets que l'on est subjugué, fasciné, médusé, par eux.

2°) Le processus technique se développe de façon autonome car les humains misent toutes leurs espérances sur "l'innovation technologique" et "la croissance économique", lesquelles deviennent des fins en soi et sont élevées au rang de dogmes quasi religieux, au sens où Raymond Aron parlait autrefois de religions séculières : la promesse d'un confort absolu "ici et maintenant" devient l'équivalent, l'avatar, de ce qu'était autrefois la promesse du salut dans l'au-delà.

Mais il n'est pas de sacralisation sans sacrifice : celle de la technique conduit à sacrifier tout ce qui n'est pas technique, à commencer par son environnement naturel (pollution) et son corps (idéologie transhumaniste naissante), ceci jusqu'à "risquer" sa vie (généralisation des cancers).

Dans cette perspective, le goût du risque devient simultanément l'expression de la démesure (hybris) et celle d'une pulsion mortifère, la seconde découlant de la première, ainsi que l'enseigne le mythe de Prométhée.

QUATRE DÉBATS seront cette année consacrés à ces deux thèses :

  • MANIPULER L'ATOME APRÈS FUKUSHIMA
    Quelles leçons (ne) veut-on (pas) tirer de l'expérience ?
    le 13 novembre à Marseille,
     
  • SPÉCULER APRÈS LA CRISE DES SUBPRIMES
    L'économie réelle peut-elle survivre aux actifs toxiques ?

    le 21 janvier à Aix,
     
  • PESTICIDES, OGM, NANOPARTICULES...
    Quels choix opérer après le scandale de l'amiante ?
     

    le 18 mars à Marseille,
     
  • LA PRESSE ENTRE AUDIMAT ET ACTIONNAIRES
    Les journalistes font-ils de l'
    intox et/ou sont-ils instrumentalisés ?
    le 12 mai à Aix.