Penser la technique aujourd'hui
FEUILLE TECHNOCRITIQUE
N° 012 de juin 2025
ADIEU, ADIEU… LE MONDE
Je reprends ma pélerine et, le sac à mes pieds, je vous laisse à vos recherches… au progrès de votre science déshumanisée.
Une fois déjà, j’étais parti. En ce temps-là, les voitures roulaient sur des jantes de bois. Une autre fois, un autre temps, c’était la révolution, jetant un coup d’œil par-dessus l’épaule je vous laissais à votre ivresse, à votre jouissance de voir tomber les têtes… Une autre fois, dans une taverne du moyen-âge, autour d’une table en gros bois, dans les vapeurs de l’alcool qu’on tirait au tonneau je discutais avec Arnaud
« C’est des cons, tous des cons. » qu’il disait.
Mais non Arnaud, tu ne peux pas dire cela, tu ne peux mépriser ainsi le monde où tu vis. Ils sont autres, c’est tout. Peut-être même valent-ils mieux que nous ? J’ai partagé leur vie, leur labeur, senti leur cœur, leur odeur. J’ai vu ce qu’ils étaient capables de faire, comme de sacrifier leur vie, de se dévouer, par respect pour certaines valeurs. Chose que les libérés, marginaux, éclatés de tous poils seraient bien incapables de réaliser, trop égoïstes qu’ils sont pour offrir une simple parcelle de leur âme.
Laisse Arnaud, c’est le monde que nous nous devons de traverser, un monde où il n’y a plus de valeurs, plus de chaleur, si ce n’est celle qui va nous emporter. Laisse ta haine à tes côtés si tu ne veux pas être consommé ; nourris-la et elle te détruira. Et comme tu regardais tomber les têtes, laisse-les à leurs seules valeurs, leur unique réalité. Les valeurs portefeuille et les réalités porte-monnaie.
Adieu, Adieu le Monde… Je vais laisser un autre courant m’emporter. Je vais remonter la rivière pour voir si dans son lit il ne reste pas quelques flaques d’humanité. Adieu, Adieu le Monde…
Nous sommes des voyageurs et nous allons ramasser le sac à nos pieds. Notre halte aura peut-être été brève, peut-être se sera-t-elle prolongée des années ? peut-être même une vie entière... qu’importe… un jour arrive où nous devons ramasser le sac à nos pieds… Il s’appelait François Villon ou Arthur Rimbaud… on aura tout oublié de leurs poèmes, que leur nom restera : synonyme d’exister.
Il y a déjà quelques temps, Alain
Rencontres 2025
Vous pouvez commencer à noter sur vos agendas, les dates
du vendredi 5 décembre (matin et après-midi) et du samedi 6 décembre (matin)
La mégamachine : s’en sortir…
Agriculture, IA et brevets ?
L’"IA", c’est quoi ? Sommairement, l’IA est un ensemble de techniques d’extraction d’informations à partir de données structurées. On part de phrases constituées de mots dans des bases de données considérées comme de bonne qualité. Puis on entraîne le programme à associer les mots selon leur usage dans les phrases du corpus d’entraînement. Après tel mot, on rencontrera plutôt tel autre mot et ainsi de suite. Cela permet à l’ordinateur, sur la base d’une requête (comme google mais sur une base plus structurée), de poursuivre la requête (prompt) avec les mots les plus probables selon sa base d’entraînement. L’ordinateur nous donne l’impression qu’il répond alors qu’il ne fait que chercher la suite à notre requête. L’ordinateur ne pense pas. Il ne donne pas de sens. Il calcule. Il renvoie ce qui est statistiquement plausible, nous dispensant ainsi de penser. Formidable ! (ironique)
J’ai expliqué précédemment que les brevets sont des garanties de monopoles qui permettent aux plus puissants d’étouffer et absorber à vil prix les plus petits.
Or l’Europe, et tous les pays industrialisés, ont institué des brevets sur des parties d’organismes vivants (des gènes par exemple). On parle de brevets sur le vivant. Donc si un gène breveté se retrouve dans une plante cultivée le paysan est contrefacteur. Nos sociétés industrialisées permettent donc de s’approprier même les parties génétiques des organismes vivants. Se rendre comme possesseurs du vivant !
Parlons maintenant des ressources naturelles.
Le traité des semences (TIRPAA) prévoit que des semences et plantes sont collectées par la FAO. Cependant, ceux qui les réutilisent « ne peuvent revendiquer aucun droit de propriété intellectuelle » (brevet) sur ces semences ni sur leurs constituants. Le but est de faciliter les échanges. Des chercheurs d'États ou d’entreprises et des associations tiersmondistes financées par des États ou des entreprises ont donc depuis 30 ans sillonné le Sud pour faire des prélèvement biologiques (appelés « matières biologiques »!) avec les informations. Ils les ont mises dans des bases de données.
Quel lien avec l'"IA" ? Sur la base de ces informations, les scientifiques (d'État ou d'entreprises !) font tourner des programmes appelés "IA". Ils en extraient la statistique de corrélation entre telle fonction biologique (résister à un puceron par exemple) et telle séquence génétique. Comme ils nous affirment que les produits de l'"IA" ne peuvent pas être tracés, ils ne pourraient pas dire quelle est l’origine des séquences biologiques qu’ils ont produites. Cela tombe du ciel ! Donc ce qu’ils trouvent serait leur invention sans prendre ton compte les bases de données de prélèvements. Ils pourraient donc breveter même si la séquence est identique à sa contrepartie naturelle. Ils biopiratent légalement avec la protection des idolâtres de l’"IA".
Le vrai but est de généraliser les brevets et les OGM, en pillant les paysans ou populations autochtones qui ont généreusement partagé ces informations. C'est la légalisation du biopiratage afin de promouvoir le marché des sociétés d'"IA" qui s'approprieront nos semences, nos médicaments et ceux des paysans du Sud sans même évaluer les risques des OGM. C'est le programme en cours de la Commission européenne, des U$A et des pays industrialisés.
Il faut le combattre comme projet mortifère.
Olivier Leduc